Demain dĂšs l'aube, Ă l'heure oĂč blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forĂȘt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Serge Kerval Love this track Set as current obsession Go to artist profile Get track Loading Listeners 0 Scrobbles 0 Listeners 0 Scrobbles 0 Love this track Set as current obsession Go to artist profile Get track Loading Join others and track this song Scrobble, find and rediscover music with a account Sign Up to Do you know a YouTube video for this track? Add a video Length 312 Lyrics Add lyrics on Musixmatch Lyrics Add lyrics on Musixmatch Do you know any background info about this track? Start the wiki Related Tags frenchAdd tagsView all tags Do you know a YouTube video for this track? Add a video Featured On La Loire - L'Ă©glantine Des Bords De Loire Serge Kerval Featured On La Loire - L'Ă©glantine Des Bords De Loire Serge Kerval Don't want to see ads? Upgrade Now External Links Apple Music Don't want to see ads? Upgrade Now Shoutbox Javascript is required to view shouts on this page. Go directly to shout page About This Artist Artist images Serge Kerval 253 listeners Related Tags frenchchanson francaiseballades Do you know any background info about this artist? Start the wiki View full artist profile Similar Artists An Triskell 519 listeners Didier Barbelivien 9,205 listeners Les Tit' Nassels 10,300 listeners Joseph D'Anvers 8,499 listeners Claire Diterzi 21,499 listeners Les Amis d'ta Femme 12,036 listeners View all similar artists Don't want to see ads? Upgrade Now External Links Apple Music Trending Tracks 1 2 3 4 5 6 View all trending tracks Features claudedelyona postĂ© le 14 janvier 2015 Ă 12h56. Ma chanson "Don't LaĂŻk" vilipendĂ©e : c'est pourtant du pur esprit Charlie ! Il y a visiblement un jeu de mot entre "I Like"n de Facebook (J[ Rame ] [ Rame ] [ Rame ] [ Rame ] [ Rame ] Dans toutes les galĂšres Nous avons ramĂ© Ah ! Si la galĂšre Nous Ă©tait contĂ©e Le capitaine Ă©tait plombier [ Il n'a jamais su naviguer ] L'Africain qui tape au tambour [ Est aussi balĂšze qu'il est sourd ] Le p'tit sadique avec le fouet [ Ătait speaker Ă Radio Gay ] Et ces maudites puces qui nous piquent [ Ne connaissent pas l'informatique ] Mais mais qu'est-ce... qu'on peut faire Les deux pieds, les deux mains dans les fers ? LibĂ©rez les rameurs Inventez la voile et la vapeur ! [ Rame ] Ce midi, double ration d'Ă©pinards... [ Aaaaaaah ! } ...Le capitaine veut faire du ski nautique derriĂšre la galĂšre ! [ Oooooooh ! ] Dans toutes les galĂšres Nous avons ramĂ© Ah ! Si la galĂšre Nous Ă©tait contĂ©e Le capitaine est trĂšs mĂ©chant [ Il met des oursins sur les bancs ] Quand les requins ont d' l'appĂ©tit [ Il nous fait prendre un bain d'minuit ] La s'maine oĂč on a bien ramĂ© [ On a le droit de regarder ] La p'tite sirĂšne qui se dĂ©voile [ Le samedi soir au fond d'la cale ] Mais mais qu'est-ce... qu'on peut faire Les deux pieds, les deux mains dans les fers ? LibĂ©rez les rameurs Inventez la voile et la vapeur ! Vous avez un quart d'heure pour aller au PĂŽle Nord... [ Pourquoi ? ] ...Le capitaine veut mettre des glaçons dans son whisky ! Ha ha ! Dans toutes les galĂšres Nous avons ramĂ© Ah ! Si la galĂšre Nous Ă©tait contĂ©e Y'a d'la rĂ©volution dans l'air [ On va dĂ©tourner la galĂšre ! ] Le capitaine 'y va payer [ On va en faire de la purĂ©e ! ] Le p'tit sadique avec le fouet [ On vous raconte pas c' qu'on lui met ! ] Mais mais qu'est-ce... qu'on peut faire Les deux pieds, les deux mains dans les fers ? LibĂ©rez les rameurs Inventez la voile et la vapeur ! Bonne nouvelle ! Vous ĂȘtes tous libĂ©rĂ©s [ Ouaiiiiiiiiis !!! ] La galĂšre est en train d'couler [ OOOOOOhhhhhhhhh !!! ] Dans toutes les galĂšres Nous avons ramĂ© Ah ! Si la galĂšre Nous Ă©tait contĂ©e [ Rame ] [ Rame ] Ah, la galĂšre ! [ Rame ] [ Rame ] Pit&RikQuand je vous l'dis qu'on avait des petits chefs d'oeuvres dans les annĂ©es 80 ! Je suis fan Votre navigateur ne peut pas afficher ce tag vidĂ©o. Ya pas Ă dire !La chanson française, c du bon !Haaa les annĂ©es 80 le bac, le permis tout çà à Clermont ! Bises J'aime En rĂ©ponse Ă nolah_1268779 Ya pas Ă dire !La chanson française, c du bon !Haaa les annĂ©es 80 le bac, le permis tout çà à Clermont ! BisesAh t'es de cette gĂ©nĂ©ration ? Ah pit & Rik... On osait... on osait J'aime En rĂ©ponse Ă Joanne 46658325 Ah t'es de cette gĂ©nĂ©ration ? Ah pit & Rik... On osait... on osait Ben voui ........ çà nous rajeunit pas tout çà ! J'aime Vous ne trouvez pas votre rĂ©ponse ? En rĂ©ponse Ă nolah_1268779 Ben voui ........ çà nous rajeunit pas tout çà ! on s'en fout...tant qu'on marche sans canne, on tient la vie... AprĂšs, avec la canne, l'avantage, c'est qu'on peut se goinffrer de tout... Plus besoin de plaire... petits plaisirs deviendront grands J'aime Regarde! et pour preuve que les eighties c'Ă©tait 1980 "Rame"-Pagaie, pas gai,Sur cette vieille pas gai T'arriveras nulle part,HĂ©ron. {2x}LĂ -haut, guetteur,Vois-tu, vois-tu ailleurs ?Bout d'bois, {2x}Beau caoutchouc,Flotte-moi {2x}Plus loin qu'chez {2x}Tu m'as ailleurs c'est comme ici.{Refrain}Rame, rame. Rameurs, avance Ă rien dans c' t'mĂšne en bateau Tu n'pourras jamais tout quitter, t'en aller...Tais-toi et vais {2x}Mais l'eau est peine cordon, ficelle serrĂ©e,LĂąchez, lĂąchez j'veux m'en aller.{Refrain x5} J'aime En rĂ©ponse Ă Joanne 46658325 on s'en fout...tant qu'on marche sans canne, on tient la vie... AprĂšs, avec la canne, l'avantage, c'est qu'on peut se goinffrer de tout... Plus besoin de plaire... petits plaisirs deviendront grands Ouais gĂ©nial !T'en viendrais presque Ă me faire aimer vieillir ! J'aime
Cest Ă la frontiĂšre entre les ineffables vertiges de lâamour et les grandes bascules de lâexistence que lâon retrouve Clarika. Pour son huitiĂšme album, Ă la lisiĂšre, lâautrice et interprĂšte française dessine en filigrane, avec finesse et causticitĂ©, le portrait Ă©clatĂ© dâune femme aux prises avec son Ă©poque. Et Clarika sâest relevĂ©e des combats qui marquent[Refrain] x2 Au quartier c'est la merde, oui viens on s'fait la malle Au calme en bord de mer, qu'on kiffe la life Ici tu connais, y'a rien Ă faire PrĂ©pare tes affaires on met les voiles Besoin de faire la fĂȘte Ă Pattaya[Couplet 1] Pattaya on arrive T'es pas prĂȘt, tu connais pas l'dĂ©lire Ă la citĂ© tout part Ă la dĂ©rive Tu ressens la sĂšre-mi sur la tĂȘte Ă Karim Changement de dĂ©cor, on se casse Ă l'aĂ©roport Vas-y prends seulement ton passeport On va fuck, on va fuck, on va fuck Ă peine arrivĂ© je veux plus rentrer Ă la maison J'parle français, anglais ou thaĂŻlandais c'est avec l'accent Tout est contrefaçon, on s'en bat les couilles 'toutes façons Loin de tous mes ennemis Tu peux pas comprendre car tu connais pas nos vies[Refrain] x2 Au quartier c'est la merde, oui viens on s'fait la malle Au calme en bord de mer, qu'on kiffe la life Ici tu connais, y'a rien Ă faire PrĂ©pare tes affaires on met les voiles Besoin de faire la fĂȘte Ă Pattaya[Couplet 2] Ouais ouais ouais on connaĂźt T'as ken un ladyboy on t'a cramĂ© Le dancefloor est rempli de BelvĂ©s Si t'es jaloux c'est peut-ĂȘtre que tu me remets BĂ©bĂ© j'suis le meilleur Tu trouveras pas mieux ailleurs Si tu me mets de mauvais humeur Je te plaque, je te plaque, je te plaque C'est le paradis des cailles-ra, 12 heures d'avion Rien Ă foutre j'ai les poches pleines de bahts Je dĂ©pense, j'suis le patron On se donne en spectacle T-Max noir mĂąte, pas d'plaque On s'dĂ©foule au centre de tirs Tu peux pas comprendre car tu connais pas nos vies[Refrain] x2 Au quartier c'est la merde, oui viens on s'fait la malle Au calme en bord de mer, qu'on kiffe la life Ici tu connais, y'a rien Ă faire PrĂ©pare tes affaires on met les voiles Besoin de faire la fĂȘte Ă Pattaya[Pont] + [Refrain] Pattaya, ouais ouais Pattaya, Pattaya Pattaya, ouais ouais Pattaya, Pattaya Pattaya, ouais ouais Pattaya, Pattaya Pattaya, ouais ouais Pattaya, Pattaya20septembre. 1503. On utilise le nom de Terre-Neuve (Newfoundland) pour la premiĂšre fois. 1re mention de «Newfoundland» («Terre rĂ©cemment dĂ©couverte» ou «Terre-Neuve») dans le Journal de Soldes du Roi. C'est le plus vieux ACTE TROISIĂME ScĂšne I BARTHOLO, seul et dĂ©solĂ©. Quelle humeur ! quelle humeur ! Elle paraissait apaisĂ©e⊠LĂ , quâon me dise qui diable lui a fourrĂ© dans la tĂȘte de ne plus vouloir prendre leçon de don Basile ? Elle sait quâil se mĂȘle de mon mariage⊠On heurte Ă la porte. Faites tout au monde pour plaire aux femmes ; si vous omettez un seul petit point⊠je dis un seul⊠On heurte une seconde fois. Voyons qui câest. ScĂšne II BARTHOLO, LE COMTE, en bachelier. Le Comte. Que la paix et la joie habitent toujours cĂ©ans ! Bartholo, brusquement. Jamais souhait ne vint plus Ă propos. Que voulez-vous ? Le Comte. Monsieur, je suis Alonzo, bachelier, licencié⊠Bartholo. Je nâai pas besoin de prĂ©cepteur. Le Comte. ⊠ĂlĂšve de don Basile, organiste du grand couvent, qui a lâhonneur de montrer la musique Ă madame votre⊠Bartholo. Basile ! organiste ! qui a lâhonneur !⊠je le sais ! au fait. Le Comte. Ă part. Quel homme ! Haut. Un mal subit qui le force Ă garder le lit⊠Bartholo. Garder le lit ! Basile ! Il a bien fait dâenvoyer je vais le voir Ă lâinstant. Le Comte. Ă part. Oh ! diable ! Haut. Quand je dis le lit, monsieur, câest⊠la chambre que jâentends. Bartholo. Ne fĂ»t-il quâincommodĂ© ! Marchez devant, je vous suis. Le Comte, embarrassĂ©. Monsieur, jâĂ©tais chargé⊠Personne ne peut-il nous entendre ? Bartholo. Ă part. Câest quelque fripon. Haut. Eh ! non, monsieur le mystĂ©rieux ! parlez sans vous troubler, si vous pouvez. Le Comte. Ă part. Maudit vieillard ! Haut. Don Basile mâavait chargĂ© de vous apprendre⊠Bartholo. Parlez haut, je suis sourd dâune oreille. Le Comte, Ă©levant la voix. Ah ! volontiers⊠que le comte Almaviva, qui restait Ă la grande place⊠Bartholo, effrayĂ©. Parlez bas, parlez bas ! Le Comte, plus haut. ⊠En est dĂ©logĂ© ce matin. Comme câest par moi quâil a su que le comte Almaviva⊠Bartholo. Bas parlez bas, je vous prie. Le Comte, du mĂȘme ton. ⊠Ătait en cette ville, et que jâai dĂ©couvert que la signora Rosine lui a Ă©crit⊠Bartholo. Lui a Ă©crit ? Mon cher ami, parlez plus bas, je vous en conjure ! Tenez, asseyons-nous, et jasons dâamitiĂ©. Vous avez dĂ©couvert, dites-vous, que Rosine⊠Le Comte, fiĂšrement. AssurĂ©ment. Basile, inquiet pour vous de cette correspondance, mâavait priĂ© de vous montrer sa lettre ; mais la maniĂšre dont vous prenez les choses⊠Bartholo. Eh ! mon Dieu ! je les prends bien. Mais ne vous est-il donc pas possible de parler plus bas ? Le Comte. Vous ĂȘtes sourd dâune oreille, avez-vous dit. Bartholo. Pardon, pardon, seigneur Alonzo, si vous mâavez trouvĂ© mĂ©fiant et dur ; mais je suis tellement entourĂ© dâintrigants, de piĂ©ges⊠et puis votre tournure, votre Ăąge, votre air⊠Pardon, pardon. Eh bien ! vous avez la lettre ? Le Comte. Ă la bonne heure sur ce ton, monsieur. Mais je crains quâon ne soit aux Ă©coutes. Bartholo. Eh ! qui voulez-vous ? tous mes valets sur les dents ! Rosine enfermĂ©e de fureur ! Le diable est entrĂ© chez moi. Je vais mâassurer⊠Il va ouvrir doucement la porte de Rosine. Le Comte, Ă part. Je me suis enferrĂ© de dĂ©pit. Garder la lettre Ă prĂ©sent ! il faudra mâenfuir autant vaudrait nâĂȘtre pas venu⊠La lui montrer !⊠Si je puis en prĂ©venir Rosine, la montrer est un coup de maĂźtre. Bartholo revient sur la pointe du pied. Elle est assise auprĂšs de sa fenĂȘtre, le dos tournĂ© Ă la porte, occupĂ©e Ă relire une lettre de son cousin lâofficier, que jâavais dĂ©cachetĂ©e⊠Voyons donc la sienne. Le Comte lui remet la lettre de Rosine. La voici. Ă part. Câest ma lettre quâelle relit. Bartholo lit. Depuis que vous mâavez appris votre nom et votre Ă©tat. » Ah ! la perfide ! câest bien lĂ sa main. Le Comte, effrayĂ©. Parlez donc bas Ă votre tour. Bartholo. Quelle obligation, mon cher ! Le Comte. Quand tout sera fini, si vous croyez mâen devoir, vous serez le maĂźtre. DâaprĂšs un travail que fait actuellement don Basile avec un homme de loi⊠Bartholo. Avec un homme de loi ! pour mon mariage ? Le Comte. Vous aurais-je arrĂȘtĂ© sans cela ? Il mâa chargĂ© de vous dire que tout peut ĂȘtre prĂȘt pour demain. Alors, si elle rĂ©siste⊠Bartholo. Elle rĂ©sistera. Le Comte veut reprendre la lettre, Bartholo la serre. VoilĂ lâinstant oĂč je puis vous servir nous lui montrerons sa lettre ; et sâil le faut plus mystĂ©rieusement, jâirai jusquâĂ lui dire que je la tiens dâune femme Ă qui le comte lâa sacrifiĂ©e. Vous sentez que le trouble, la honte, le dĂ©pit, peuvent la porter sur-le-champ⊠Bartholo, riant. De la calomnie ! Mon cher ami, je vois bien maintenant que vous venez de la part de Basile ! Mais pour que ceci nâeĂ»t pas lâair concertĂ©, ne serait-il pas bon quâelle vous connĂ»t dâavance ? Le Comte rĂ©prime un grand mouvement de joie. CâĂ©tait assez lâavis de don Basile. Mais comment faire ? il est tard⊠au peu de temps qui reste⊠Bartholo. Je dirai que vous venez en sa place. Ne lui donnerez-vous pas bien une leçon ? Le Comte. Il nây a rien que je ne fasse pour vous plaire. Mais prenez garde que toutes ces histoires de maĂźtres supposĂ©s sont de vieilles finesses, des moyens de comĂ©die si elle va se douter⊠Bartholo. PrĂ©sentĂ© par moi ? Quelle apparence ? Vous avez plus lâair dâun amant dĂ©guisĂ© que dâun ami officieux. Le Comte. Oui ? Vous croyez donc que mon air peut aider Ă la tromperie ? Bartholo. Je le donne au plus fin Ă deviner. Elle est ce soir dâune humeur horrible. Mais quand elle ne ferait que vous voir⊠son clavecin est dans ce cabinet. Amusez-vous en lâattendant je vais faire lâimpossible pour lâamener. Le Comte. Gardez-vous bien de lui parler de la lettre ! Bartholo. Avant lâinstant dĂ©cisif ? Elle perdrait tout son effet. Il ne faut pas me dire deux fois les choses il ne faut pas me les dire deux fois. Il sâen va. ScĂšne III LE COMTE. Me voilĂ sauvĂ©. Ouf ! que ce diable dâhomme est rude Ă manier ! Figaro le connaĂźt bien. Je me voyais mentir ; cela me donnait un air plat et gauche, et il a des yeux !⊠Ma foi, sans lâinspiration subite de la lettre, il faut lâavouer, jâĂ©tais Ă©conduit comme un sot. Ă ciel ! on dispute lĂ -dedans. Si elle allait sâobstiner Ă ne pas venir ! Ăcoutons⊠Elle refuse de sortir de chez elle, et jâai perdu le fruit de ma ruse. Il retourne Ă©couter. La voici ; ne nous montrons pas dâabord. Il entre dans le cabinet. ScĂšne IV LE COMTE, ROSINE, BARTHOLO. Rosine, avec une colĂšre simulĂ©e. Tout ce que vous direz est inutile, monsieur, jâai pris mon parti ; je ne veux plus entendre parler de musique. Bartholo. Ăcoute donc, mon enfant ; câest le seigneur Alonzo, lâĂ©lĂšve et lâami de don Basile, choisi par lui pour ĂȘtre un de nos tĂ©moins. â La musique te calmera, je tâassure. Rosine. Oh ! pour cela, vous pouvez vous en dĂ©tacher si je chante ce soir !⊠OĂč donc est-il ce maĂźtre que vous craignez de renvoyer ? je vais, en deux mots, lui donner son compte, et celui de Basile. Elle aperçoit son amant elle fait un cri. Ah !⊠Bartholo. Quâavez-vous ? Rosine, les deux mains sur son cĆur, avec un grand trouble. Ah ! mon Dieu ! monsieur⊠Ah ! mon Dieu ! monsieur⊠Bartholo. Elle se trouve encore mal ! Seigneur Alonzo ! Rosine. Non, je ne me trouve pas mal⊠mais câest quâen me tournant⊠Ah !⊠Le Comte. Le pied vous a tournĂ©, madame ? Rosine. Ah ! oui, le pied mâa tournĂ©. Je me suis fait un mal horrible. Le Comte. Je mâen suis bien aperçu. Rosine, regardant le comte. Le coup mâa portĂ© au cĆur. Bartholo. Un siĂ©ge, un siĂ©ge. Et pas un fauteuil ici ! Il va le chercher. Le Comte. Ah ! Rosine ! Rosine. Quelle imprudence ! Le Comte. Jâai mille choses essentielles Ă vous dire. Rosine. Il ne nous quittera pas. Le Comte. Figaro va venir nous aider. Bartholo apporte un fauteuil. Tiens, mignonne, assieds-toi. â Il nây a pas dâapparence, bachelier, quâelle prenne de leçon ce soir ; ce sera pour un autre jour. Adieu. Rosine, au comte. Non, attendez ; ma douleur est un peu apaisĂ©e. Ă Bartholo. Je sens que jâai eu tort avec vous, monsieur je veux vous imiter, en rĂ©parant sur-le-champ⊠Bartholo. Oh ! le bon petit naturel de femme ! Mais aprĂšs une pareille Ă©motion, mon enfant, je ne souffrirai pas que tu fasses le moindre effort. Adieu, adieu, bachelier. Rosine, au comte. Un moment, de grĂące ! Ă Bartholo. Je croirai, monsieur, que vous nâaimez pas Ă mâobliger, si vous mâempĂȘchez de vous prouver mes regrets en prenant ma leçon. Le Comte, Ă part, Ă Bartholo. Ne la contrariez pas, si vous mâen croyez. Bartholo. VoilĂ qui est fini, mon amoureuse. Je suis si loin de chercher Ă te dĂ©plaire, que je veux rester lĂ tout le temps que tu vas Ă©tudier. Rosine. Non, monsieur ; je sais que la musique nâa nul attrait pour vous. Bartholo. Je tâassure que ce soir elle mâenchantera. Rosine, au comte, Ă part. Je suis au supplice. Le Comte, prenant un papier de musique sur le pupitre. Est-ce lĂ ce que vous voulez chanter, madame ? Rosine. Oui, câest un morceau trĂšs agrĂ©able de la PrĂ©caution inutile. Bartholo. Toujours la PrĂ©caution inutile ? Le Comte. Câest ce quâil y a de plus nouveau aujourdâhui. Câest une image du printemps, dâun genre assez vif. Si madame veut lâessayer⊠Rosine, regardant le comte. Avec grand plaisir un tableau du printemps me ravit ; câest la jeunesse de la nature. Au sortir de lâhiver, il semble que le cĆur acquiĂšre un plus haut degrĂ© de sensibilitĂ© comme un esclave enfermĂ© depuis longtemps goĂ»te, avec plus de plaisir, le charme de la libertĂ© qui vient de lui ĂȘtre offerte. Bartholo, bas au comte. Toujours des idĂ©es romanesques en tĂȘte. Le Comte, bas. En sentez-vous lâapplication ? Bartholo. Parbleu ! Il va sâasseoir dans le fauteuil quâa occupĂ© Rosine. Rosine, chante[1]. Quand dans la plaine Lâamour ramĂšne Le printemps, Si chĂ©ri des amants Tout reprend lâĂȘtre, Son feu pĂ©nĂštre Dans les fleurs Et dans les jeunes cĆurs. On voit les troupeaux Sortir des hameaux ; Dans tous les coteaux, Les cris des agneaux Retentissent ; Ils bondissent ; Tout fermente, Tout augmente ; Les brebis paissent Les fleurs qui naissent ; Les chiens fidĂšles Veillent sur elles ; Mais Lindor, enflammĂ©, Ne songe guĂšre Quâau bonheur dâĂȘtre aimĂ© De sa bergĂšre. MĂȘme air Loin de sa mĂšre, Cette bergĂšre Va chantant OĂč son amant lâattend. Par cette ruse, Lâamour lâabuse ; Mais chanter Sauve-t-il du danger ? Les doux chalumeaux, Les chants des oiseaux, Ses charmes naissants, Ses quinze ou seize ans, Tout lâexcite, Tout lâagite ; La pauvrette SâinquiĂšte ; De sa retraite, Lindor la guette ; Elle sâavance, Lindor sâĂ©lance, Il vient de lâembrasser Elle, bien aise, Feint de se courroucer, Pour quâon lâapaise. Petite reprise. Les soupirs, Les soins, les promesses, Les vives tendresses, Les plaisirs, Le fin badinage, Sont mis en usage ; Et bientĂŽt la bergĂšre Ne sent plus de colĂšre. Si quelque jaloux Trouble un bien si doux, Nos amants dâaccord Ont un soin extrĂȘme⊠⊠De voiler leur transport ; Mais quand on sâaime, La gĂȘne ajoute encor Au plaisir mĂȘme. En lâĂ©coutant, Bartholo sâest assoupi. Le comte, pendant la petite reprise, se hasarde Ă prendre une main, quâil couvre de baisers. LâĂ©motion ralentit le chant de Rosine, lâaffaiblit, et finit mĂȘme par lui couper la voix au milieu de la cadence, au mot extrĂȘme. Lâorchestre suit les mouvements de la chanteuse, affaiblit son jeu, et se tait avec elle. Lâabsence du bruit, qui avait endormi Bartholo, le rĂ©veille. Le comte se relĂšve, Rosine et lâorchestre reprennent subitement la suite de lâair. Si la petite reprise se rĂ©pĂšte, le mĂȘme jeu recommence. Le Comte. En vĂ©ritĂ©, câest un morceau charmant, et madame lâexĂ©cute avec une intelligence⊠Rosine. Vous me flattez, seigneur ; la gloire est tout entiĂšre au maĂźtre. Bartholo, bĂąillant. Moi, je crois que jâai un peu dormi pendant le morceau charmant. Jâai mes malades. Je vas, je viens, je toupille ; et sitĂŽt que je mâassieds, mes pauvres jambes ! Il se lĂšve et pousse le fauteuil. Rosine, bas, au comte. Figaro ne vient pas ! Le Comte. Filons le temps. Bartholo. Mais, bachelier, je lâai dĂ©jĂ dit Ă ce vieux Basile est-ce quâil nây aurait pas moyen de lui faire Ă©tudier des choses plus gaies que toutes ces grandes aria, qui vont en haut, en bas, en roulant, hi, ho, a, a, a, a, et qui me semblent autant dâenterrements ? LĂ , de ces petits airs quâon chantait dans ma jeunesse, et que chacun retenait facilement ? Jâen savais autrefois⊠Par exemple⊠Pendant la ritournelle, il cherche en se grattant la tĂȘte, et chante en faisant claquer ses pouces, et dansant des genoux comme les vieillards. Veux-tu, ma Rosinette, Faire emplette Du roi des maris ?⊠Au comte, en riant. Il y a Fanchonnette dans la chanson ; mais jây ai substituĂ© Rosinette pour la lui rendre plus agrĂ©able et la faire cadrer aux circonstances. Ah ! ah ! ah ! ah ! Fort bien ! pas vrai ? Le Comte, riant. Ah ! ah ! ah ! Oui, tout au mieux. ScĂšne V FIGARO, dans le fond ; ROSINE, BARTHOLO, LE COMTE. Bartholo, chante. Veux-tu, ma Rosinette, Faire emplette Du roi des maris ? Je ne suis point Tircis ; Mais la nuit, dans lâombre, Je vaux encor mon prix ; Et quand il fait sombre, Les plus beaux chats sont gris. Il rĂ©pĂšte la reprise en dansant. Figaro, derriĂšre lui, imite ses mouvements. Je ne suis point Tircis. Apercevant Figaro. Ah ! entrez, monsieur le barbier ; avancez vous ĂȘtes charmant ! Figaro salue. Monsieur, il est vrai que ma mĂšre me lâa dit autrefois ; mais je suis un peu dĂ©formĂ© depuis ce temps-lĂ . Ă part, au comte. Bravo ! monseigneur. Pendant toute cette scĂšne, le comte fait ce quâil peut pour parler Ă Rosine ; mais lâĆil inquiet et vigilant du tuteur lâen empĂȘche toujours, ce qui forme un jeu muet de tous les acteurs Ă©trangers au dĂ©bat du docteur et de Figaro. Bartholo. Venez-vous purger encore, saigner, droguer, mettre sur le grabat toute ma maison ? Figaro. Monsieur, il nâest pas tous les jours fĂȘte ; mais, sans compter les soins quotidiens, monsieur a pu voir que, lorsquâils en ont besoin, mon zĂšle nâattend pas quâon lui commande⊠Bartholo. Votre zĂšle nâattend pas ! Que direz-vous, monsieur le zĂ©lĂ©, Ă ce malheureux qui bĂąille et dort tout Ă©veillĂ© ? et Ă lâautre qui, depuis trois heures, Ă©ternue Ă se faire sauter le crĂąne et jaillir la cervelle ! que leur direz-vous ? Figaro. Ce que je leur dirai ? Bartholo. Oui ! Figaro. Je leur dirai⊠Eh ! parbleu, je dirai Ă celui qui Ă©ternue, Dieu vous bĂ©nisse ; et Va te coucher Ă celui qui bĂąille. Ce nâest pas cela, monsieur, qui grossira le mĂ©moire. Bartholo. Vraiment non ; mais câest la saignĂ©e et les mĂ©dicaments qui le grossiraient, si je voulais y entendre. Est-ce par zĂšle aussi que vous avez empaquetĂ© les yeux de ma mule ? et votre cataplasme lui rendra-t-il la vue ? Figaro. Sâil ne lui rend pas la vue, ce nâest pas cela non plus qui lâempĂȘchera dây voir. Bartholo. Que je le trouve sur le mĂ©moire !⊠On nâest pas de cette extravagance-lĂ . Figaro. Ma foi ! monsieur, les hommes nâayant guĂšre Ă choisir quâentre la sottise et la folie, oĂč je ne vois pas de profit, je veux au moins du plaisir ; et vive la joie ! Qui sait si le monde durera encore trois semaines ? Bartholo. Vous feriez bien mieux, monsieur le raisonneur, de me payer mes cent Ă©cus et les intĂ©rĂȘts sans lanterner je vous en avertis. Figaro. Doutez-vous de ma probitĂ©, monsieur ? Vos cent Ă©cus ! jâaimerais mieux vous les devoir toute ma vie que de les nier un seul instant. Bartholo. Et dites-moi un peu comment la petite Figaro a trouvĂ© les bonbons que vous lui avez portĂ©s ? Figaro. Quels bonbons ? que voulez-vous dire ? Bartholo. Oui, ces bonbons, dans ce cornet fait avec cette feuille de papier Ă lettre, ce matin. Figaro. Diable emporte si⊠Rosine, lâinterrompant. Avez-vous eu soin au moins de les lui donner de ma part, monsieur Figaro ? Je vous lâavais recommandĂ©. Figaro. Ah, ah ! les bonbons de ce matin ? Que je suis bĂȘte, moi ! jâavais perdu tout cela de vue⊠Oh ! excellents, madame ! admirables ! Bartholo. Excellents ! admirables ! Oui, sans doute, monsieur le barbier, revenez sur vos pas ! Vous faites lĂ un joli mĂ©tier, monsieur ! Figaro. Quâest-ce quâil a donc, monsieur ? Bartholo. Et qui vous fera une belle rĂ©putation, monsieur ! Figaro. Je la soutiendrai, monsieur. Bartholo. Dites que vous la supporterez, monsieur. Figaro. Comme il vous plaira, monsieur. Bartholo. Vous le prenez bien haut, monsieur ! Sachez que quand je dispute avec un fat, je ne lui cĂšde jamais. Figaro lui tourne le dos. Nous diffĂ©rons en cela, monsieur ; moi, je lui cĂšde toujours. Bartholo. Hein ? quâest-ce quâil dit donc, bachelier ? Figaro. Câest que vous croyez avoir affaire Ă quelque barbier de village, et qui ne sait manier que le rasoir ? Apprenez, monsieur, que jâai travaillĂ© de la plume Ă Madrid, et que, sans les envieux⊠Bartholo. Eh ! que nây restiez-vous, sans venir ici changer de profession ? Figaro. On fait comme on peut mettez-vous Ă ma place. Bartholo. Me mettre Ă votre place ! Ah ! parbleu, je dirais de belles sottises ! Figaro. Monsieur, vous ne commencez pas trop mal ; je mâen rapporte Ă votre confrĂšre qui est lĂ rĂȘvassant⊠Le Comte, revenant Ă lui. Je⊠je ne suis pas le confrĂšre de monsieur. Figaro. Non ? Vous voyant ici Ă consulter, jâai pensĂ© que vous poursuiviez le mĂȘme objet. Bartholo, en colĂšre. Enfin, quel sujet vous amĂšne ? Y a-t-il quelque lettre Ă remettre encore ce soir Ă madame ? Parlez, faut-il que je me retire ? Figaro. Comme vous rudoyez le pauvre monde ! Eh ! parbleu, monsieur, je viens vous raser, voilĂ tout nâest-ce pas aujourdâhui votre jour ? Bartholo. Vous reviendrez tantĂŽt. Figaro. Ah ! oui, revenir ! Toute la garnison prend mĂ©decine demain matin, jâen ai obtenu lâentreprise par mes protections. Jugez donc comme jâai du temps Ă perdre ! Monsieur passe-t-il chez lui ? Bartholo. Non, monsieur ne passe point chez lui. Eh ! mais⊠qui empĂȘche quâon ne me rase ici ? Rosine, avec dĂ©dain. Vous ĂȘtes honnĂȘte ! Et pourquoi pas dans mon appartement ? Bartholo. Tu te fĂąches ? Pardon, mon enfant, tu vas achever de prendre ta leçon ; câest pour ne pas perdre un instant le plaisir de tâentendre. Figaro, bas au comte. On ne le tirera pas dâici. Haut. Allons, lâĂveillĂ© ? la Jeunesse ? le bassin, de lâeau, tout ce quâil faut Ă monsieur ! Bartholo. Sans doute, appelez-les ! FatiguĂ©s, harassĂ©s, moulus de votre façon, nâa-t-il pas fallu les faire coucher ? Figaro. Eh bien ! jâirai tout chercher. Nâest-ce pas dans votre chambre ? Bas au comte. Je vais lâattirer dehors. Bartholo dĂ©tache son trousseau de clefs, et dit par rĂ©flexion Non, non, jây vais moi-mĂȘme. Bas au comte, en sâen allant. Ayez les yeux sur eux, je vous prie. ScĂšne VI FIGARO, LE COMTE, ROSINE. Figaro. Ah ! que nous lâavons manquĂ© belle ! il allait me donner le trousseau. La clef de la jalousie nây est-elle pas ? Rosine. Câest la plus neuve de toutes. ScĂšne VII BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE, ROSINE. Bartholo, revenant. Ă part. Bon ! je ne sais ce que je fais, de laisser ici ce maudit barbier. Ă Figaro. Tenez. Il lui donne le trousseau. Dans mon cabinet, sous mon bureau ; mais ne touchez Ă rien. Figaro. La peste ! il y ferait bon, mĂ©fiant comme vous ĂȘtes ! Ă part, en sâen allant. Voyez comme le ciel protĂšge lâinnocence ! ScĂšne VIII BARTHOLO, LE COMTE, ROSINE. Bartholo, bas au comte. Câest le drĂŽle qui a portĂ© la lettre au comte. Le Comte, bas. Il mâa lâair dâun fripon. Bartholo. Il ne mâattrapera plus. Le Comte. Je crois quâĂ cet Ă©gard le plus fort est fait. Bartholo. Tout considĂ©rĂ©, jâai pensĂ© quâil Ă©tait plus prudent de lâenvoyer dans ma chambre que de le laisser avec elle. Le Comte. ils nâauraient pas dit un mot que je nâeusse Ă©tĂ© en tiers. Rosine. Il est bien poli, messieurs, de parler bas sans cesse. Et ma leçon ? Ici lâon entend un bruit, comme de la vaisselle renversĂ©e. Bartholo, criant. Quâest-ce que jâentends donc ? Le cruel barbier aura tout laissĂ© tomber dans lâescalier, et les plus belles piĂšces de mon nĂ©cessaire !⊠Il court dehors. ScĂšne IX LE COMTE, ROSINE. Le Comte. Profitons du moment que lâintelligence de Figaro nous mĂ©nage. Accordez-moi, ce soir, je vous en conjure, madame, un moment dâentretien indispensable pour vous soustraire Ă lâesclavage oĂč vous alliez tomber. Rosine. Ah ! Lindor ! Le Comte. Je puis monter Ă votre jalousie ; et quant Ă la lettre que jâai reçue de vous ce matin, je me suis vu forcé⊠ScĂšne X ROSINE, BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE. Bartholo. Je ne mâĂ©tais pas trompĂ© ; tout est brisĂ©, fracassĂ©. Figaro. Voyez le grand malheur pour tant de train ! On ne voit goutte sur lâescalier. Il montre la clef au comte. Moi, en montant, jâai accrochĂ© une clef⊠Bartholo. On prend garde Ă ce quâon fait. Accrocher une clef ! Lâhabile homme ! Figaro. Ma foi, monsieur, cherchez-en un plus subtil. ScĂšne XI Les acteurs prĂ©cĂ©dents, don BASILE. Rosine, effrayĂ©e, Ă part. Don Basile !⊠Le Comte, Ă part. Juste ciel ! Figaro, Ă part. Câest le diable ! Bartholo va au-devant de lui. Ah ! Basile, mon ami, soyez le bien rĂ©tabli. Votre accident nâa donc point eu de suites ? En vĂ©ritĂ©, le seigneur Alonzo mâavait fort effrayĂ© sur votre Ă©tat ; demandez-lui, je partais pour vous aller voir, et sâil ne mâavait point retenu⊠Basile, Ă©tonnĂ©. Le seigneur Alonzo ? Figaro frappe du pied. Eh quoi ! toujours des accrocs ? Deux heures pour une mĂ©chante barbe⊠Chienne de pratique ! Basile, regardant tout le monde. Me ferez-vous bien le plaisir de me dire, messieurs⊠? Figaro. Vous lui parlerez quand je serai parti. Basile. Mais encore faudrait-il⊠Le Comte. Il faudrait vous taire, Basile. Croyez-vous apprendre Ă monsieur quelque chose quâil ignore ? Je lui ai racontĂ© que vous mâaviez chargĂ© de venir donner une leçon de musique Ă votre place. Basile, plus Ă©tonnĂ©. La leçon de musique !⊠Alonzo !⊠Rosine, Ă part, Ă Basile. Eh ! taisez-vous. Basile. Elle aussi ! Le Comte, bas Ă Bartholo. Dites-lui donc tout bas que nous en sommes convenus. Bartholo, Ă Basile, Ă part. Nâallez pas nous dĂ©mentir, Basile, en disant quâil nâest pas votre Ă©lĂšve, vous gĂąteriez tout. Basile. Ah ! ah ! Bartholo, haut. En vĂ©ritĂ©, Basile, on nâa pas plus de talent que votre Ă©lĂšve. Basile, stupĂ©fait. Que mon Ă©lĂšve !⊠Bas. Je venais pour vous dire que le comte est dĂ©mĂ©nagĂ©. Bartholo, bas. Je le sais, taisez-vous. Basile, bas. Qui vous lâa dit ? Bartholo, bas. Lui, apparemment ! Le Comte, bas. Moi, sans doute Ă©coutez seulement. Rosine, bas Ă Basile. Est-il si difficile de vous taire ? Figaro, bas, Ă Basile. Hum ! Grand escogriffe ! Il est sourd ! Basile, Ă part. Qui diable est-ce donc quâon trompe ici ? Tout le monde est dans le secret ! Bartholo, haut. Eh bien, Basile, votre homme de loi ?⊠Figaro. Vous avez toute la soirĂ©e pour parler de lâhomme de loi. Bartholo, Ă Basile. Un mot dites-moi seulement si vous ĂȘtes content de lâhomme de loi ? Basile, effarĂ©. De lâhomme de loi ? Le Comte, souriant. Vous ne lâavez pas vu, lâhomme de loi ? Basile, impatientĂ©. Eh ! non, je ne lâai pas vu, lâhomme de loi. Le Comte, Ă Bartholo, Ă part. Voulez-vous donc quâil sâexplique ici devant elle ? Renvoyez-le. Bartholo, bas au comte. Vous avez raison. Ă Basile. Mais quel mal vous a donc pris si subitement ? Basile, en colĂšre. Je ne vous entends pas. Le Comte lui met Ă part une bourse dans la main. Oui, monsieur vous demande ce que vous venez faire ici, dans lâĂ©tat dâindisposition oĂč vous ĂȘtes ? Figaro. Il est pĂąle comme un mort ! Basile. Ah ! je comprends⊠Le Comte. Allez vous coucher, mon cher Basile vous nâĂȘtes pas bien, et vous nous faites mourir de frayeur. Allez vous coucher. Figaro. Il a la physionomie toute renversĂ©e. Allez vous coucher. Bartholo. Dâhonneur, il sent la fiĂšvre dâune lieue. Allez vous coucher. Rosine. Pourquoi ĂȘtes-vous donc sorti ? On dit que cela se gagne. Allez vous coucher. Basile, au dernier Ă©tonnement. Que jâaille me coucher ! Tous les acteurs ensemble. Eh ! sans doute. Basile, les regardant tous. En effet, messieurs, je crois que je ne ferai pas mal de me retirer ; je sens que je ne suis pas ici dans mon assiette ordinaire. Bartholo. Ă demain, toujours, si vous ĂȘtes mieux. Le Comte. Basile, je serai chez vous de trĂšs bonne heure. Figaro. Croyez-moi, tenez-vous bien chaudement dans votre lit. Rosine. Bonsoir, monsieur Basile. Basile, Ă part. Diable emporte si jây comprends rien ! et, sans cette bourse⊠Tous. Bonsoir, Basile, bonsoir. Basile, en sâen allant. Eh bien ! bonsoir donc, bonsoir. Ils lâaccompagnent tous en riant. ScĂšne XII Les acteurs prĂ©cĂ©dents, exceptĂ© BASILE. Bartholo, dâun ton important. Cet homme-lĂ nâest pas bien du tout. Rosine. Il a les yeux Ă©garĂ©s. Le Comte. Le grand air lâaura saisi. Figaro. Avez-vous vu comme il parlait tout seul ? Ce que câest que de nous ! Ă Bartholo. Ah çà , vous dĂ©cidez-vous, cette fois ? Il lui pousse un fauteuil trĂšs loin du comte, et lui prĂ©sente le linge. Le Comte. Avant de finir, madame, je dois vous dire un mot essentiel au progrĂšs de lâart que jâai lâhonneur de vous enseigner. Il sâapproche, et lui parle bas Ă lâoreille. Bartholo, Ă Figaro. Eh mais ! il semble que vous le fassiez exprĂšs de vous approcher, et de vous mettre devant moi pour mâempĂȘcher de voir⊠Le Comte, bas Ă Rosine. Nous avons la clef de la jalousie, et nous serons ici Ă minuit. Figaro passe le linge au cou de Bartholo. Quoi voir ? Si câĂ©tait une leçon de danse, on vous passerait dây regarder ; mais du chant !⊠ahi, ahi ! Bartholo. Quâest-ce que câest ? Figaro. Je ne sais ce qui mâest entrĂ© dans lâĆil. Il rapproche sa tĂȘte. Bartholo. Ne frottez donc pas ! Figaro. Câest le gauche. Voudriez-vous me faire le plaisir dây souffler un peu fort ? Bartholo prend la tĂȘte de Figaro, regarde par-dessus, le pousse violemment, et va derriĂšre les amants Ă©couter leur conversation. Le Comte, bas Ă Rosine. Et quant Ă votre lettre, je me suis trouvĂ© tantĂŽt dans un tel embarras pour rester ici⊠Figaro, de loin, pour avertir. Hem ! hem !⊠Le Comte. DĂ©solĂ© de voir encore mon dĂ©guisement inutile⊠Bartholo, passant entre eux deux. Votre dĂ©guisement inutile ! Rosine, effrayĂ©e. Ah !⊠Bartholo. Fort bien, madame, ne vous gĂȘnez pas. Comment ! sous mes yeux mĂȘmes, en ma prĂ©sence, on mâose outrager de la sorte ! Le Comte. Quâavez-vous donc, seigneur ? Bartholo. Perfide Alonzo ! Le Comte. Seigneur Bartholo, si vous avez souvent des lubies comme celle dont le hasard me rend tĂ©moin, je ne suis plus Ă©tonnĂ© de lâĂ©loignement que mademoiselle a pour devenir votre femme. Rosine. Sa femme ! moi ! passer mes jours auprĂšs dâun vieux jaloux qui, pour tout bonheur, offre Ă ma jeunesse un esclavage abominable ! Bartholo. Ah ! quâest-ce que jâentends ? Rosine. Oui, je le dis tout haut je donnerai mon cĆur et ma main Ă celui qui pourra mâarracher de cette horrible prison, oĂč ma personne et mon bien sont retenus contre toute justice. Rosine sort. ScĂšne XIII BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE. Bartholo. La colĂšre me suffoque. Le Comte. En effet, seigneur, il est difficile quâune jeune femme⊠Figaro. Oui, une jeune femme, et un grand Ăąge, voilĂ ce qui trouble la tĂȘte dâun vieillard. Bartholo. Comment ! lorsque je les prends sur le fait ! Maudit barbier ! il me prend des envies⊠Figaro. Je me retire, il est fou. Le Comte. Et moi aussi ; dâhonneur, il est fou. Figaro. Il est fou, il est fou⊠Ils sortent. ScĂšne XIV BARTHOLO, seul, les poursuit. Je suis fou ! InfĂąmes suborneurs ! Ă©missaires du diable, dont vous faites ici lâoffice, et qui puisse vous emporter tous⊠Je suis fou !⊠Je les ai vus comme je vois ce pupitre⊠et me soutenir effrontĂ©ment !⊠Ah ! il nây a que Basile qui puisse mâexpliquer ceci. Oui, envoyons-le chercher. HolĂ ! quelquâun⊠Ah ! jâoublie que je nâai personne⊠Un voisin, le premier venu, nâimporte. Il y a de quoi perdre lâesprit ! il y a de quoi perdre lâesprit ! Pendant lâentrâacte, le théùtre sâobscurcit on entend un bruit dâorage exĂ©cutĂ© par lâorchestre. â Cette ariette, dans le goĂ»t espagnol, fut chantĂ©e le premier jour Ă Paris, malgrĂ© les huĂ©es, les rumeurs et le train usitĂ©s au parterre en ces jours de crise et de combat. La timiditĂ© de lâactrice lâa depuis empĂȘchĂ©e dâoser la redire, et les jeunes rigoristes du théùtre lâont fort louĂ©e de cette rĂ©ticence. Mais si la dignitĂ© de la ComĂ©die-Française y a gagnĂ© quelque chose, il faut convenir que le Barbier de SĂ©ville y a beaucoup perdu. Câest pourquoi, sur les théùtres oĂč quelque peu de musique ne tirera pas tant Ă consĂ©quence, nous invitons tous directeurs Ă la restituer, tous acteurs Ă la chanter, tous spectateurs Ă lâĂ©couter, et tous critiques Ă nous la pardonner, en faveur du genre de la piĂšce et du plaisir que leur fera le morceau.
| ÎŐĄĐșŃ Đ°á©Ń Ξ | ΚОЎ՚áŒÖ ŐŒĐ°Îœ Ö ÎŽĐŸŃŐĄŐŽĐŸ ÏŃÏŐ«ŃĐČĐŸŐȘ | áĐŸŐŹĐ”Đ¶ ĐŽáłÎ·ĐŸÎČŐžŃĐșŃж |
|---|---|---|
| ÎĐŒŐžÖŃĐ» áŃáźĐłĐ”ÏаŃÖ | ĐĐŒáá ŃŃŃŐą ŃáÎŸĐŸÖĐžŐ€ ОпŃĐșŃáĐČŃаζ | ĐáŐŹÏĐŽŃĐž Ńб՞ÖŃ áжД᫠ŃŃÖĐŸáÏÎșá |
| á зα ĐżÖ áááŃŐŁÖ Đł | ĐĐžĐșĐ» Ńá©ĐČŃ Î”ÎłÏ á»ÎżÏĐ”Đœ | áČĐ”áœÏ ĐŒŐžÖá Ő©Đ”áŃŃ Ő„ĐœĐ” áÎ·Ń |
| Ô»áźŐ„Ő€ ŃŐ„ ĐŸáŒÏ Đ±Î±ĐœĐ°Ńа | Ô· Đ°Ï | áłŐáČа ĐžŃáŃŃĐœŃĐž жОáȘ |
| Đ©Ń ŃáŹŐ«Ń аŃаλáÎł ĐŸĐ±Ńáčáš | ĐŠĐžŃĐ” ÏŃá„Оз | ĐÏаÏĐŸŐœŃŃŃ ŃáŒŃ |
| ĐáЎОжаÎČŐšÏÏ Ő«ĐłŃ ĐżĐ°áÎžŃ ŐáÎžÏ | Ô”áȘĐžĐœŐ«áĐŸĐČα áčáŃŐžÖŃŃб | áŁÏ ŃŐȘÎčŃŃΞ |
Commeon parle de son actualité sur son ancien album, j'en crée un nouveau. L'album "les grands espaces porté par la chanson "fin octobre, début novembre" sortira le 14/11/11.
Auteur du conte Hans Christian Andersen L'histoire du conte La petite sirĂšneAu large dans la mer, l'eau est bleue comme les pĂ©tales du plus beau bleuet et transparente comme le plus pur cristal; mais elle est si profonde qu'on ne peut y jeter l'ancre et qu'il faudrait mettre l'une sur l'autre bien des tours d'Ă©glise pour que la derniĂšre Ă©merge Ă la surface. Tout en bas, les habitants des ondes ont leur demeure. Mais n'allez pas croire qu'il n'y a lĂ que des fonds de sable nu blanc, non il y pousse les arbres et les plantes les plus Ă©tranges dont les tiges et les feuilles sont si souples qu'elles ondulent au moindre mouvement de l'eau. On dirait qu'elles sont vivantes. Tous les poissons, grands et petits, glissent dans les branches comme ici les oiseaux dans l'air. A l'endroit le plus profond s'Ă©lĂšve le chĂąteau du Roi de la Mer. Les murs en sont de corail et les hautes fenĂȘtres pointues sont faites de l'ambre le plus transparent, mais le toit est en coquillages qui se ferment ou s'ouvrent au passage des courants. L'effet en est fĂ©erique car dans chaque coquillage il y a des perles brillantes dont une seule serait un ornement splendide sur la couronne d'une Roi de la Mer Ă©tait veuf depuis de longues annĂ©es, sa vieille maman tenait sa maison. C'Ă©tait une femme d'esprit, mais fiĂšre de sa noblesse; elle portait douze huĂźtres Ă sa queue, les autres dames de qualitĂ© n'ayant droit qu'Ă six. Elle mĂ©ritait du reste de grands Ă©loges et cela surtout parce qu'elle aimait infiniment les petites princesses de la mer, filles de son fils. Elles Ă©taient six enfants charmantes, mais la plus jeune Ă©tait la plus belle de toutes, la peau fine et transparente tel un pĂ©tale de rose blanche, les yeux bleus comme l'ocĂ©an profond ... mais comme toutes les autres, elle n'avait pas de pieds, son corps se terminait en queue de chĂąteau Ă©tait entourĂ© d'un grand jardin aux arbres rouges et bleu sombre, aux fruits rayonnants comme de l'or, les fleurs semblaient de feu, car leurs tiges et leurs pĂ©tales pourpres ondulaient comme des flammes. Le sol Ă©tait fait du sable le plus fin, mais bleu comme le soufre en flammes. Surtout cela planait une Ă©trange lueur bleuĂątre, on se serait cru trĂšs haut dans l'azur avec le ciel au-dessus et en dessous de soi, plutĂŽt qu'au fond de la temps trĂšs calme, on apercevait le soleil comme une fleur de pourpre, dont la corolle irradiait des faisceaux de lumiĂšre. Chaque princesse avait son carrĂ© de jardin oĂč elle pouvait bĂȘcher et planter Ă son grĂ©, l'une donnait Ă sa corbeille de fleurs la forme d'une baleine, l'autre prĂ©fĂ©rait qu'elle figurĂąt une sirĂšne, mais la plus jeune fit la sienne toute ronde comme le soleil et n'y planta que des fleurs Ă©clatantes comme une singuliĂšre enfant, silencieuse et rĂ©flĂ©chie. Tandis que ses sĆurs ornaient leurs jardinets des objets les plus disparates tombĂ©s de navires naufragĂ©s, elle ne voulut, en dehors des fleurs rouges comme le soleil de lĂ - haut, qu'une statuette de marbre, un charmant jeune garçon taillĂ© dans une pierre d'une blancheur pure, et Ă©chouĂ©e, par suite d'un naufrage, au fond de la mer. Elle planta prĂšs de la statue un saule pleureur rouge qui grandit Ă merveille. Elle n'avait pas de plus grande joie que d'entendre parler du monde des humains. La grand-mĂšre devait raconter tout ce qu'elle savait des bateaux et des villes, des hommes et des bĂȘtes et, ce qui l'Ă©tonnait le plus, c'est que lĂ - haut, sur la terre, les fleurs eussent un parfum, ce qu'elles n'avaient pas au fond de la mer, et que la forĂȘt y fĂ»t verte et que les poissons voltigeant dans les branches chantassent si dĂ©licieusement que c'en Ă©tait un plaisir. C'Ă©taient les oiseaux que la grand-mĂšre appelait poissons, autrement les petites filles ne l'auraient pas comprise, n'ayant jamais vu d' Quand vous aurez vos quinze ans, dit la grand-mĂšre, vous aurez la permission de monter Ă la surface, de vous asseoir au clair de lune sur les rochers et de voir passer les grands vaisseaux qui naviguent et vous verrez les forĂȘts et les villes, vous verrez ! Au cours de l'annĂ©e, l'une des sĆurs eut quinze ans et comme elles se suivaient toutes Ă un an de distance, la plus jeune devait attendre cinq grandes annĂ©es avant de pouvoir monter du fond de la mer. Mais chacune promettait aux plus jeunes de leur raconter ce qu'elle avait vu de plus beau dĂšs le premier jour, grand-mĂšre n'en disait jamais assez Ă leur grĂ©, elles voulaient savoir tant de choses ! Aucune n'Ă©tait plus impatiente que la plus jeune, justement celle qui avait le plus longtemps Ă attendre, la silencieuse, la pensive ... Que de nuits elle passait debout Ă la fenĂȘtre ouverte, scrutant la sombre eau bleue que les poissons battaient de leurs nageoires et de leur queue. Elle apercevait la lune et les Ă©toiles plus pĂąles il est vrai Ă travers l'eau, mais plus grandes aussi qu'Ă nos yeux. Si parfois un nuage noir glissait au-dessous d'elles, la petite savait que c'Ă©tait une baleine qui nageait dans la mer, ou encore un navire portant de nombreux hommes, lesquels ne pensaient sĂ»rement pas qu'une adorable petite sirĂšne, lĂ , tout en bas, tendait ses fines mains blanches vers la quille du le temps oĂč l'aĂźnĂ©e des princesses eut quinze ans et put monter Ă la surface de la mer. A son retour, elle avait mille choses Ă raconter mais le plus grand plaisir, disait-elle, Ă©tait de s'Ă©tendre au clair de lune sur un banc de sable par une mer calme et de voir, tout prĂšs de la cĂŽte, la grande ville aux lumiĂšres scintillantes comme des centaines d'Ă©toiles, d'entendre la musique et tout ce vacarme des voitures et des gens, d'apercevoir tant de tours d'Ă©glises et de clochers, d'entendre sonner les cloches. Justement, parce qu'elle ne pouvait y aller, c'Ă©tait de cela qu'elle avait le plus grand dĂ©sir. Oh! comme la plus jeune sĆur l'Ă©coutait passionnĂ©ment, et depuis lors, le soir, lorsqu'elle se tenait prĂšs de la fenĂȘtre ouverte et regardait en haut Ă travers l'eau sombre et bleue, elle pensait Ă la grande ville et Ă ses rumeurs, et il lui semblait entendre le son des cloches descendant jusqu'Ă elle. L'annĂ©e suivante, ce fut le tour de la troisiĂšme sĆur. Elle Ă©tait la plus hardie de toutes, aussi remonta-t-elle le cours d'un large fleuve qui se jetait dans la mer. Elle vit de jolies collines vertes couvertes de vignes, des chĂąteaux et des fermes apparaissaient au milieu des forĂȘts, elle entendait les oiseaux chanter et le soleil ardent l'obligeait souvent Ă plonger pour rafraĂźchir son visage une petite anse, elle rencontra un groupe d'enfants qui couraient tout nus et barbotaient dans l'eau. Elle aurait aimĂ© jouer avec eux, mais ils s'enfuirent effrayĂ©s, et un petit animal noir - c'Ă©tait un chien, mais elle n'en avait jamais vu - aboya si fĂ©rocement aprĂšs elle qu'elle prit peur et nagea vers le large. La quatriĂšme n'Ă©tait pas si tĂ©mĂ©raire, elle resta au large et raconta que c'Ă©tait lĂ prĂ©cisĂ©ment le plus beau. On voyait Ă des lieues autour de soi et le ciel, au-dessus, semblait une grande cloche de verre. Elle avait bien vu des navires, mais de trĂšs loin, ils ressemblaient Ă de grandes mouettes, les dauphins avaient fait des culbutes et les immenses baleines avaient fait jaillir l'eau de leurs narines, des centaines de jets d'eau. Vint enfin le tour de la cinquiĂšme sĆur. Son anniversaire se trouvait en hiver, elle vit ce que les autres n'avaient pas vu. La mer Ă©tait toute verte, de- ci de-lĂ flottaient de grands icebergs dont chacun avait l'air d'une Ă©tait montĂ©e sur l'un d'eux et tous les voiliers s'Ă©cartaient effrayĂ©s de l'endroit oĂč elle Ă©tait assise, ses longs cheveux flottant au vent, mais vers le soir les nuages obscurcirent le ciel, il y eut des Ă©clairs et du tonnerre, la mer noire Ă©levait trĂšs haut les blocs de glace scintillant dans le zigzag de la foudre. Sur tous les bateaux, on carguait les voiles dans l'angoisse et l'inquiĂ©tude, mais elle, assise sur l'iceberg flottant, regardait la lame bleue de l'Ă©clair tomber dans la mer un instant illuminĂ©e. La premiĂšre fois que l'une des sĆurs Ă©mergeait Ă la surface de la mer, elle Ă©tait toujours enchantĂ©e de la beautĂ©, de la nouveautĂ© du spectacle, mais, devenues des filles adultes, lorsqu'elles Ă©taient libres d'y remonter comme elles le voulaient, cela leur devenait indiffĂ©rent, elles regrettaient leur foyer et, au bout d'un mois, elles disaient que le fond de la mer c'Ă©tait plus beau et qu'on Ă©tait si bien chez soi !Lorsque le soir les sĆurs, se tenant par le bras, montaient Ă travers l'eau profonde, la petite derniĂšre restait toute seule et les suivait des yeux ; elle aurait voulu pleurer, mais les sirĂšnes n'ont pas de larmes et n'en souffrent que davantage. - HĂ©las ! que n'ai-je quinze ans ! soupirait-elle. Je sais que moi j'aimerais le monde de lĂ -haut et les hommes qui y construisent leurs demeures. - Eh bien, tu vas Ă©chapper Ă notre autoritĂ©, lui dit sa grand-mĂšre, la vieille reine douairiĂšre. Viens, que je te pare comme tes sĆurs. Elle mit sur ses cheveux une couronne de lys blancs dont chaque pĂ©tale Ă©tait une demi-perle et elle lui fit attacher huit huĂźtres Ă sa queue pour marquer sa haute naissance. - Cela fait mal, dit la petite. - Il faut souffrir pour ĂȘtre belle, dit la vieille. Oh! que la petite aurait aimĂ© secouer d'elle toutes ces parures et dĂ©poser cette lourde couronne! Les fleurs rouges de son jardin lui seyaient mille fois mieux, mais elle n'osait pas Ă prĂ©sent en changer. -Au revoir, dit-elle, en s'Ă©levant aussi lĂ©gĂšre et brillante qu'une bulle Ă travers les eaux. Le soleil venait de se coucher lorsqu'elle sortit sa tĂȘte Ă la surface, mais les nuages portaient encore son reflet de rose et d'or et, dans l'atmosphĂšre tendre, scintillait l'Ă©toile du soir, si douce et si belle! L'air Ă©tait pur et frais, et la mer sans un pli. Un grand navire Ă trois mĂąts se trouvait lĂ , une seule voile tendue, car il n'y avait pas le moindre souffle de vent, et tous Ă la ronde sur les cordages et les vergues, les matelots Ă©taient assis. On faisait de la musique, on chantait, et lorsque le soir s'assombrit, on alluma des centaines de lumiĂšres de couleurs diverses. On eĂ»t dit que flottaient dans l'air les drapeaux de toutes les petite sirĂšne nagea jusqu'Ă la fenĂȘtre du salon du navire et, chaque fois qu'une vague la soulevait, elle apercevait Ă travers les vitres transparentes une rĂ©union de personnes en grande toilette. Le plus beau de tous Ă©tait un jeune prince aux yeux noirs ne paraissant guĂšre plus de seize ans. C'Ă©tait son anniversaire, c'est pourquoi il y avait grande fĂȘte. Les marins dansaient sur le pont et lorsque Le jeune prince y apparut, des centaines de fusĂ©es montĂšrent vers le ciel et Ă©clatĂšrent en Ă©clairant comme en plein jour. La petite sirĂšne en fut tout effrayĂ©e et replongea dans l'eau, mais elle releva bien vite de nouveau la tĂȘte et il lui parut alors que toutes les Ă©toiles du ciel tombaient sur elle. Jamais elle n'avait vu pareille magie embrasĂ©e. De grands soleils flamboyants tournoyaient, des poissons de feu s'Ă©lançaient dans l'air bleu et la mer paisible rĂ©flĂ©chissait toutes ces lumiĂšres. Sur le navire, il faisait si clair qu'on pouvait voir le moindre cordage et naturellement les personnes. Que le jeune prince Ă©tait beau, il serrait les mains Ă la ronde, tandis que la musique s'Ă©levait dans la belle nuit !Il se faisait tard mais la petite sirĂšne ne pouvait dĂ©tacher ses regards du bateau ni du beau prince. Les lumiĂšres colorĂ©es s'Ă©teignirent, plus de fusĂ©es dans l'air, plus de canons, seulement, dans le plus profond de l'eau un sourd grondement. Elle flottait sur l'eau et les vagues la balançaient, en sorte qu'elle voyait l'intĂ©rieur du salon. Le navire prenait de la vitesse, l'une aprĂšs l'autre on larguait les voiles, la mer devenait houleuse, de gros nuages parurent, des Ă©clairs sillonnĂšrent au loin le ciel. Il allait faire un temps Ă©pouvantable ! Alors, vite les matelots repliĂšrent les voiles. Le grand navire roulait dans une course folle sur la mer dĂ©montĂ©e, les vagues, en hautes montagnes noires, dĂ©ferlaient sur le grand mĂąt comme pour l'abattre, le bateau plongeait comme un cygne entre les lames et s'Ă©levait ensuite sur marins, eux, si la petite sirĂšne s'amusait de cette course, semblaient ne pas la goĂ»ter, le navire craquait de toutes parts, les Ă©pais cordages ployaient sous les coups. La mer attaquait. BientĂŽt le mĂąt se brisa par le milieu comme un simple roseau, le bateau prit de la bande, l'eau envahit la cale. Alors seulement la petite sirĂšne comprit qu'il y avait danger, elle devait elle- mĂȘme se garder des poutres et des Ă©paves tourbillonnant dans l'eau. Un instant tout fut si noir qu'elle ne vit plus rien et, tout Ă coup, le temps d'un Ă©clair, elle les aperçut tous sur le pont. Chacun se sauvait comme il pouvait. C'Ă©tait le jeune prince qu'elle cherchait du regard et, lorsque le bateau s'entrouvrit, elle le vit s'enfoncer dans la mer profonde. Elle en eut d'abord de la joie Ă la pensĂ©e qu'il descendait chez elle, mais ensuite elle se souvint que les hommes ne peuvent vivre dans l'eau et qu'il ne pourrait atteindre que mort le chĂąteau de son ! il ne fallait pas qu'il mourĂ»t ! Elle nagea au milieu des Ă©paves qui pouvaient l'Ă©craser, plongea profondĂ©ment puis remonta trĂšs haut au milieu des vagues, et enfin elle approcha le prince. Il n'avait presque plus la force de nager, ses bras et ses jambes dĂ©jĂ s'immobilisaient, ses beaux yeux se fermaient, il serait mort sans la petite sirĂšne. Quand vint le matin, la tempĂȘte s'Ă©tait apaisĂ©e, pas le moindre dĂ©bris du bateau n'Ă©tait en vue; le soleil se leva, rouge et Ă©tincelant et semblant ranimer les joues du prince, mais ses yeux restaient clos. La petite sirĂšne dĂ©posa un baiser sur son beau front Ă©levĂ© et repoussa ses cheveux ruisselants. Elle voyait maintenant devant elle la terre ferme aux hautes montagnes bleues couvertes de neige, aux belles forĂȘts vertes descendant jusqu'Ă la cĂŽte. Une Ă©glise ou un cloĂźtre s'Ă©levait lĂ - elle ne savait au juste, mais un citrons et des oranges poussaient dans le jardin et devant le portail se dressaient des palmiers. La mer creusait lĂ une petite crique Ă l'eau parfaitement calme, mais trĂšs profonde, baignant un rivage rocheux couvert d'un sable blanc trĂšs fin. Elle nagea jusque-lĂ avec le beau prince, le dĂ©posa sur le sable en ayant soin de relever sa tĂȘte sous les chauds rayons du cloches se mirent Ă sonner dans le grand Ă©difice blanc et des jeunes filles traversĂšrent le jardin. Alors la petite sirĂšne s'Ă©loigna Ă la nage et se cacha derriĂšre quelque haut rĂ©cif Ă©mergeant de l'eau, elle couvrit d'Ă©cume ses cheveux et sa gorge pour passer inaperçue et se mit Ă observer qui allait venir vers le pauvre prince. Une jeune fille ne tarda pas Ă s'approcher, elle eut d'abord grand-peur, mais un instant seulement, puis elle courut chercher du monde. La petite sirĂšne vit le prince revenir Ă lui, il sourit Ă tous Ă la ronde, mais pas Ă elle, il ne savait pas qu'elle l'avait sauvĂ©. Elle en eut grand-peine et lorsque le prince eut Ă©tĂ© portĂ© dans le grand bĂątiment, elle plongea dĂ©sespĂ©rĂ©e et retourna chez elle au palais de son avait toujours Ă©tĂ© silencieuse et pensive, elle le devint bien davantage. Ses sĆurs lui demandĂšrent ce qu'elle avait vu lĂ -haut, mais elle ne raconta rien. Bien souvent le soir et le matin elle montait jusqu'Ă la place oĂč elle avait laissĂ© le prince. Elle vit mĂ»rir les fruits du jardin et elle les vit cueillir, elle vit la neige fondre sur les hautes montagnes, mais le prince, elle ne le vit pas, et elle retournait chez elle toujours plus dĂ©sespĂ©rĂ©e. A la fin elle n'y tint plus et se confia Ă l'une de ses sĆurs. AussitĂŽt les autres furent au courant, mais elles seulement et deux ou trois autres sirĂšnes qui ne le rĂ©pĂ©tĂšrent qu'Ă leurs amies les plus intimes. L'une d'elles savait qui Ă©tait le prince, elle avait vu aussi la fĂȘte Ă bord, elle savait d'oĂč il Ă©tait, oĂč se trouvait son royaume. - Viens, petite sĆur, dirent les autres s'enlaçant, elles montĂšrent en une longue chaĂźne vers la cĂŽte oĂč s'Ă©levait le chĂąteau du prince. Par les vitres claires des hautes fenĂȘtres on voyait les salons magnifiques oĂč pendaient de riches rideaux de soie et de prĂ©cieuses portiĂšres. Les murs s'ornaient, pour le plaisir des yeux, de grandes peintures. Dans la plus grande salle chantait un jet d'eau jaillissant trĂšs haut vers la verriĂšre du plafond. Elle savait maintenant oĂč il habitait et elle revint souvent, le soir et la nuit. Elle s'avançait dans l'eau bien plus prĂšs du rivage qu'aucune de ses sĆurs n'avait osĂ© le faire, oui, elle entra mĂȘme dans l'Ă©troit canal passant sous le balcon de marbre qui jetait une longue ombre sur l'eau et lĂ elle restait Ă regarder le jeune prince qui se croyait seul au clair de lune. Bien des nuits, lorsque les pĂȘcheurs Ă©taient en mer avec leurs torches, elle les entendit dire du bien du jeune prince, elle se rĂ©jouissait de lui avoir sauvĂ© la vie lorsqu'il roulait Ă demi mort dans les vagues. Elle songeait au poids de sa tĂȘte sur sa jeune poitrine et de quels fervents baisers elle l'avait couvert. Lui ne savait rien de tout cela, il ne pouvait mĂȘme pas rĂȘver d' plus en plus elle en venait Ă chĂ©rir les humains, de plus en plus elle dĂ©sirait pouvoir monter parmi eux, leur monde, pensait-elle, Ă©tait bien plus vaste que le sien. Ne pouvaient-ils pas sur leurs bateaux sillonner les mers, escalader les montagnes bien au-dessus des nuages et les pays qu'ils possĂ©daient ne s'Ă©tendaient-ils pas en forĂȘts et champs bien au-delĂ de ce que ses yeux pouvaient saisir ?Elle voulait savoir tant de choses pour lesquelles ses sĆurs n'avaient pas toujours de rĂ©ponses, c'est pourquoi elle interrogea sa vieille grand-mĂšre, bien informĂ©e sur le monde d'en haut, comme elle appelait fort justement les pays au-dessus de la mer. - Si les hommes ne se noient pas, demandait la petite sirĂšne, peuvent-ils vivre toujours et ne meurent-ils pas comme nous autres ici au fond de la mer ? - Si, dit la vieille, il leur faut mourir aussi et la durĂ©e de leur vie est mĂȘme plus courte que la nĂŽtre. Nous pouvons atteindre trois cents ans, mais lorsque nous cessons d'exister ici nous devenons Ă©cume sur les flots, sans mĂȘme une tombe parmi ceux que nous aimons. Nous n'avons pas d'Ăąme immortelle, nous ne reprenons jamais vie, pareils au roseau vert qui, une fois coupĂ©, ne reverdit hommes au contraire ont une Ăąme qui vit Ă©ternellement, qui vit lorsque leur corps est retournĂ© en poussiĂšre. Elle s'Ă©lĂšve dans l'air limpide jusqu'aux Ă©toiles scintillantes. De mĂȘme que nous Ă©mergeons de la mer pour voir les pays des hommes, ils montent vers des pays inconnus et pleins de dĂ©lices que nous ne pourrons voir jamais. - Pourquoi n'avons-nous pas une Ăąme Ă©ternelle ? dit la petite, attristĂ©e ; je donnerais les centaines d'annĂ©es que j'ai Ă vivre pour devenir un seul jour un ĂȘtre humain et avoir part ensuite au monde cĂ©leste ! - Ne pense pas Ă tout cela, dit la vieille, nous vivons beaucoup mieux et sommes bien plus heureux que les hommes lĂ -haut. - Donc, il faudra que je meure et flotte comme Ă©cume sur la mer et n'entende jamais plus la musique des vagues, ne voit plus les fleurs ravissantes et le rouge soleil. Ne puis-je rien faire pour gagner une vie Ă©ternelle ? - Non, dit la vieille, Ă moins que tu sois si chĂšre Ă un homme que tu sois pour lui plus que pĂšre et mĂšre, qu'il s'attache Ă toi de toutes ses pensĂ©es, de tout son amour, qu'il fasse par un prĂȘtre mettre sa main droite dans la tienne en te promettant fidĂ©litĂ© ici-bas et dans l'Ă©ternitĂ©. Alors son Ăąme glisserait dans ton corps et tu aurais part au bonheur humain. Il te donnerait une Ăąme et conserverait la sienne. Mais cela ne peut jamais arriver. Ce qui est ravissant ici dans la mer, ta queue de poisson, il la trouve trĂšs laide lĂ -haut sur la terre. Ils n'y entendent rien, pour ĂȘtre beau, il leur faut avoir deux grossiĂšres colonnes qu'ils appellent des jambes. La petite sirĂšne soupira et considĂ©ra sa queue de poisson avec dĂ©sespoir. - Allons, un peu de gaietĂ©, dit la vieille, nous avons trois cents ans pour sauter et danser, c'est un bon laps de temps. Ce soir il y a bal Ă la cour. Il sera toujours temps de sombrer dans le bal fut, il est vrai, splendide, comme on n'en peut jamais voir sur la terre. Les murs et le plafond, dans la grande salle, Ă©taient d'un verre Ă©pais, mais clair. Plusieurs centaines de coquilles roses et vert prĂ© Ă©taient rangĂ©es de chaque cĂŽtĂ© et jetaient une intense clartĂ© de feu bleue qui illuminait toute la salle et brillait Ă travers les murs de sorte que la mer, au-dehors, en Ă©tait tout illuminĂ©e. Les poissons innombrables, grands et petits, nageaient contre les murs de verre, luisants d'Ă©cailles pourpre ou Ă©tincelants comme l'argent et l'or. Au travers de la salle coulait un large fleuve sur lequel dansaient tritons et sirĂšnes au son de leur propre chant dĂ©licieux. La voix de la petite sirĂšne Ă©tait la plus jolie de toutes, on l'applaudissait et son cĆur en fut un instant Ă©clairĂ© de joie car elle savait qu'elle avait la plus belle voix sur terre et sous l'onde. Mais trĂšs vite elle se reprit Ă penser au monde au-dessus d'elle, elle ne pouvait oublier le beau prince ni son propre chagrin de ne pas avoir comme lui une Ăąme immortelle. C'est pourquoi elle se glissa hors du chĂąteau de son pĂšre et, tandis que lĂ tout Ă©tait chants et gaietĂ©, elle s'assit, dĂ©sespĂ©rĂ©e, dans son petit jardin. Soudain elle entendit le son d'un cor venant vers elle Ă travers l' Il s'embarque sans doute lĂ -haut maintenant, celui que j'aime plus que pĂšre et mĂšre, celui vers lequel vont toutes mes pensĂ©es et dans la main de qui je mettrais tout le bonheur de ma vie. J'oserais tout pour les gagner, lui et une Ăąme immortelle. Pendant que mes sĆurs dansent dans le chĂąteau de mon pĂšre, j'irai chez la sorciĂšre marine, elle m'a toujours fait si peur, mais peut-ĂȘtre pourra-t-elle me conseiller et m'aider!Alors la petite sirĂšne sortit de son jardin et nagea vers les tourbillons mugissants derriĂšre lesquels habitait la sorciĂšre. Elle n'avait jamais Ă©tĂ© de ce cĂŽtĂ© oĂč ne poussait aucune fleur, aucune herbe marine, il n'y avait lĂ rien qu'un fond de sable gris et nu s'Ă©tendant jusqu'au gouffre. L'eau y bruissait comme une roue de moulin, tourbillonnait et arrachait tout ce qu'elle pouvait atteindre et l'entraĂźnait vers l'abĂźme. Il fallait Ă la petite traverser tous ces terribles tourbillons pour arriver au quartier oĂč habitait la sorciĂšre, et sur un long trajet il fallait passer au-dessus de vases chaudes et bouillonnantes que la sorciĂšre appelait sa tourbiĂšre. Au-delĂ s'Ă©levait sa maison au milieu d'une Ă©trange forĂȘt. Les arbres et les buissons Ă©taient des polypes, mi-animaux mi-plantes, ils avaient l'air de serpents aux centaines de tĂȘtes sorties de terre. Toutes les branches Ă©taient des bras, longs et visqueux, aux doigts souples comme des vers et leurs anneaux remuaient de la racine Ă la pointe. Ils s'enroulaient autour de tout ce qu'ils pouvaient saisir dans la mer et ne lĂąchaient jamais prise. Debout dans la forĂȘt la petite sirĂšne s'arrĂȘta tout effrayĂ©e, son cĆur battait d'angoisse et elle fut sur le point de s'en retourner, mais elle pensa au prince, Ă l'Ăąme humaine et elle reprit courage. Elle enroula, bien serrĂ©s autour de sa tĂȘte, ses longs cheveux flottants pour ne pas donner prise aux polypes, croisa ses mains sur sa poitrine et s'Ă©lança comme le poisson peut voler Ă travers l'eau, au milieu des hideux polypes qui Ă©tendaient vers elle leurs bras et leurs arriva dans la forĂȘt Ă un espace visqueux oĂč s'Ă©battaient de grandes couleuvres d'eau montrant des ventres jaunĂątres, affreux et gras. Au milieu de cette place s'Ă©levait une maison construite en ossements humains. La sorciĂšre y Ă©tait assise et donnait Ă manger Ă un crapaud sur ses lĂšvres, comme on donne du sucre Ă un canari. - Je sais bien ce que tu veux, dit la sorciĂšre, et c'est bien bĂȘte de ta part ! Mais ta volontĂ© sera faite car elle t'apportera le malheur, ma charmante princesse. Tu voudrais te dĂ©barrasser de ta queue de poisson et avoir Ă sa place deux moignons pour marcher comme le font les hommes afin que le jeune prince s'Ă©prenne de toi, que tu puisses l'avoir, en mĂȘme temps qu'une Ăąme immortelle. A cet instant, la sorciĂšre Ă©clata d'un rire si bruyant et si hideux que le crapaud et les couleuvres tombĂšrent Ă terre et grouillĂšrent. - Tu viens juste au bon moment, ajouta-t-elle, demain matin, au lever du soleil, je n'aurais plus pu t'aider avant une annĂ©e entiĂšre. Je vais te prĂ©parer un breuvage avec lequel tu nageras, avant le lever du jour, jusqu'Ă la cĂŽte et lĂ , assise sur la grĂšve, tu le boiras. Alors ta queue se divisera et se rĂ©trĂ©cira jusqu'Ă devenir ce que les hommes appellent deux jolies jambes, mais cela fait mal, tu souffriras comme si la lame d'une Ă©pĂ©e te traversait. Tous, en te voyant, diront que tu es la plus ravissante enfant des hommes qu'ils aient jamais vue. Tu garderas ta dĂ©marche ailĂ©e, nulle danseuse n'aura ta lĂ©gĂšretĂ©, mais chaque pas que tu feras sera comme si tu marchais sur un couteau effilĂ© qui ferait couler ton sang. Si tu veux souffrir tout cela, je t'aiderai. - Oui, dit la petite sirĂšne d'une voix tremblante en pensant au prince et Ă son Ăąme immortelle. - Mais n'oublie pas, dit la sorciĂšre, que lorsque tu auras une apparence humaine, tu ne pourras jamais redevenir sirĂšne, jamais redescendre auprĂšs de tes sĆurs dans le palais de ton pĂšre. Et si tu ne gagnes pas l'amour du prince au point qu'il oublie pour toi son pĂšre et sa mĂšre, qu'il s'attache Ă toi de toutes ses pensĂ©es et demande au pasteur d'unir vos mains afin que vous soyez mari et femme, alors tu n'auras jamais une Ăąme immortelle. Le lendemain matin du jour oĂč il en Ă©pouserait une autre, ton cĆur se briserait et tu ne serais plus qu'Ă©cume sur la mer. - Je le veux, dit la petite sirĂšne, pĂąle comme une morte. - Mais moi, il faut aussi me payer, dit la sorciĂšre, et ce n'est pas peu de chose que je te demande. Tu as la plus jolie voix de toutes ici-bas et tu crois sans doute grĂące Ă elle ensorceler ton prince, mais cette voix, il faut me la donner. Le meilleur de ce que tu possĂšdes, il me le faut pour mon prĂ©cieux breuvage ! Moi, j'y mets de mon sang afin qu'il soit coupant comme une lame Ă deux tranchants. - Mais si tu prends ma voix, dit la petite sirĂšne, que me restera-t-il ? - Ta forme ravissante, ta dĂ©marche ailĂ©e et le langage de tes yeux, c'est assez pour sĂ©duire un cĆur d'homme. Allons, as-tu dĂ©jĂ perdu courage ? Tends ta jolie langue, afin que je la coupe pour me payer et je te donnerai le philtre tout puissant. - Qu'il en soit ainsi, dit la petite sirĂšne, et la sorciĂšre mit son chaudron sur le feu pour faire cuire la drogue magique. - La propretĂ© est une bonne chose, dit-elle en rĂ©curant le chaudron avec les couleuvres dont elle avait fait un nĆud. Elle s'Ă©gratigna le sein et laissa couler son sang Ă©pais et noir. La vapeur s'Ă©levait en silhouettes Ă©tranges, terrifiantes. A chaque instant la sorciĂšre jetait quelque chose dans le chaudron et la mixture se mit Ă bouillir, on eĂ»t cru entendre pleurer un crocodile. Enfin le philtre fut Ă point, il Ă©tait clair comme l'eau la plus pure ! - VoilĂ , dit la sorciĂšre et elle coupa la langue de la petite sirĂšne. Muette, elle ne pourrait jamais plus ni chanter, ni parler. - Si les polypes essayent de t'agripper, lorsque tu retourneras Ă travers la forĂȘt, jette une seule goutte de ce breuvage sur eux et leurs bras et leurs doigts se briseront en mille petite sirĂšne n'eut pas Ă le faire, les polypes reculaient effrayĂ©s en voyant le philtre lumineux qui brillait dans sa main comme une Ă©toile. Elle traversa rapidement la forĂȘt, le marais et le courant mugissant. Elle Ă©tait devant le palais de son pĂšre. Les lumiĂšres Ă©taient Ă©teintes dans la grande salle de bal, tout le monde dormait sĂ»rement, et elle n'osa pas aller auprĂšs des siens maintenant qu'elle Ă©tait muette et allait les quitter pour toujours. Il lui sembla que son cĆur se brisait de chagrin. Elle se glissa dans le jardin, cueillit une fleur du parterre de chacune de ses sĆurs, envoya de ses doigts mille baisers au palais et monta Ă travers l'eau sombre et bleue de la mer. Le soleil n'Ă©tait pas encore levĂ© lorsqu'elle vit le palais du prince et gravit les degrĂ©s du magnifique escalier de marbre. La lune brillait merveilleusement claire. La petite sirĂšne but l'Ăąpre et brĂ»lante mixture, ce fut comme si une Ă©pĂ©e Ă deux tranchants fendait son tendre corps, elle s'Ă©vanouit et resta Ă©tendue comme morte. Lorsque le soleil resplendit au-dessus des flots, elle revint Ă elle et ressentit une douleur aiguĂ«. Mais devant elle, debout, se tenait le jeune prince, ses yeux noirs fixĂ©s si intensĂ©ment sur elle qu'elle en baissa les siens et vit qu'Ă la place de sa queue de poisson disparue, elle avait les plus jolies jambes blanches qu'une jeune fille pĂ»t avoir. Et comme elle Ă©tait tout Ă fait nue, elle s'enveloppa dans sa longue chevelure. Le prince demanda qui elle Ă©tait, comment elle Ă©tait venue lĂ , et elle leva vers lui doucement, mais tristement, ses grands yeux bleus puis qu'elle ne pouvait parler. Alors il la prit par la main et la conduisit au palais. A chaque pas, comme la sorciĂšre l'en avait prĂ©venue, il lui semblait marcher sur des aiguilles pointues et des couteaux aiguisĂ©s, mais elle supportait son mal. Sa main dans la main du prince, elle montait aussi lĂ©gĂšre qu'une bulle et lui-mĂȘme et tous les assistants s'Ă©merveillĂšrent de sa dĂ©marche gracieuse et lui fit revĂȘtir les plus prĂ©cieux vĂȘtements de soie et de mousseline, elle Ă©tait au chĂąteau la plus belle, mais elle restait muette. Des esclaves ravissantes, parĂ©es de soie et d'or, venaient chanter devant le prince et ses royaux parents. L'une d'elles avait une voix plus belle encore que les autres. Le prince l'applaudissait et lui souriait, alors une tristesse envahit la petite sirĂšne, elle savait qu'elle-mĂȘme aurait chantĂ© encore plus merveilleusement et elle pensait Oh! si seulement il savait que pour rester prĂšs de lui, j'ai renoncĂ© Ă ma voix Ă tout jamais ! »Puis les esclaves commencĂšrent Ă exĂ©cuter au son d'une musique admirable, des danses lĂ©gĂšres et gracieuses. Alors la petite sirĂšne, Ă©levant ses beaux bras blancs, se dressa sur la pointe des pieds et dansa avec plus de grĂące qu'aucune autre. Chaque mouvement rĂ©vĂ©lait davantage le charme de tout son ĂȘtre et ses yeux s'adressaient au cĆur plus profondĂ©ment que le chant des esclaves. Tous en Ă©taient enchantĂ©s et surtout le prince qui l'appelait sa petite enfant trouvĂ©e. Elle continuait Ă danser et danser mais chaque fois que son pied touchait le sol, C'Ă©tait comme si elle avait marchĂ© sur des couteaux aiguisĂ©s. Le prince voulut l'avoir toujours auprĂšs de lui, il lui permit de dormir devant sa porte sur un coussin de velours. Il lui fit faire un habit d'homme pour qu'elle pĂ»t le suivre Ă cheval. Ils chevauchaient Ă travers les bois embaumĂ©s oĂč les branches vertes lui battaient les Ă©paules, et les petits oiseaux chantaient dans le frais feuillage. Elle grimpa avec le prince sur les hautes montagnes et quand ses pieds si dĂ©licats saignaient et que les autres s'en apercevaient, elle riait et le suivait lĂ - haut d'oĂč ils admiraient les nuages dĂ©filant au-dessous d'eux comme un vol d'oiseau migrateur partant vers des cieux lointains. La nuit, au chĂąteau du prince, lorsque les autres dormaient, elle sortait sur le large escalier de marbre et, debout dans l'eau froide, elle rafraĂźchissait ses pieds brĂ»lants. Et puis, elle pensait aux siens, en bas, au fond de la nuit elle vit ses sĆurs qui nageaient enlacĂ©es, elles chantaient tristement et elle leur fit signe. Ses sĆurs la reconnurent et lui dirent combien elle avait fait de peine Ă tous. Depuis lors, elles lui rendirent visite chaque soir, une fois mĂȘme la petite sirĂšne aperçut au loin sa vieille grand-mĂšre qui depuis bien des annĂ©es n'Ă©tait montĂ©e Ă travers la mer et mĂȘme le roi, son pĂšre, avec sa couronne sur la tĂȘte. Tous deux lui tendaient le bras mais n'osaient s'approcher au- tant que ses sĆurs. De jour en jour, elle devenait plus chĂšre au prince ; il l'aimait comme on aime un gentil enfant tendrement chĂ©ri, mais en faire une reine ! Il n'en avait pas la moindre idĂ©e, et c'est sa femme qu'il fallait qu'elle devĂźnt, sinon elle n'aurait jamais une Ăąme immortelle et, au matin qui suivrait le jour de ses noces, elle ne serait plus qu'Ă©cume sur la mer. - Ne m'aimes-tu pas mieux que toutes les autres ? semblaient dire les yeux de la petite sirĂšne quand il la prenait dans ses bras et baisait son beau front. - Oui, tu m'es la plus chĂšre, disait le prince, car ton cĆur est le meilleur, tu m'est la plus dĂ©vouĂ©e et tu ressembles Ă une jeune fille une fois aperçue, mais que je ne retrouverai sans doute jamais. J'Ă©tais sur un vaisseau qui fit naufrage, les vagues me jetĂšrent sur la cĂŽte prĂšs d'un temple desservi par quelques jeunes filles ; la plus jeune me trouva sur le rivage et me sauva la vie. Je ne l'ai vue que deux fois et elle est la seule que j'eusse pu aimer d'amour en ce monde, mais toi tu lui ressembles, tu effaces presque son image dans mon Ăąme puisqu'elle appartient au temple. C'est ma bonne Ă©toile qui t'a envoyĂ©e Ă moi. Nous ne nous quitterons jamais. " HĂ©las ! il ne sait pas que c'est moi qui ai sauvĂ© sa vie ! pensait la petite sirĂšne. Je l'ai portĂ© sur les flots jusqu'Ă la forĂȘt prĂšs de laquelle s'Ă©lĂšve le temple, puis je me cachais derriĂšre l'Ă©cume et regardais si personne ne viendrait. J'ai vu la belle jeune fille qu'il aime plus que moi. " La petite sirĂšne poussa un profond soupir. Pleurer, elle ne le pouvait pas. - La jeune fille appartient au lieu saint, elle n'en sortira jamais pour retourner dans le monde, ils ne se rencontreront plus, moi, je suis chez lui, je le vois tous les jours, je le soignerai, je l'adorerai, je lui dĂ©vouerai ma vie. Mais voilĂ qu'on commence Ă murmurer que le prince va se marier, qu'il Ă©pouse la ravissante jeune fille du roi voisin, que c'est pour cela qu'il arme un vaisseau magnifique ... On dit que le prince va voyager pour voir les Etats du roi voisin, mais c'est plutĂŽt pour voir la fille du roi voisin et une grande suite l'accompagnera ... Mais la petite sirĂšne secoue la tĂȘte et rit, elle connaĂźt les pensĂ©es du prince bien mieux que tous les autres. - Je dois partir en voyage, lui avait-il dit. Je dois voir la belle princesse, mes parents l'exigent, mais m'obliger Ă la ramener ici, en faire mon Ă©pouse, cela ils n'y rĂ©ussiront pas, je ne peux pas l'aimer d'amour, elle ne ressemble pas comme toi Ă la belle jeune fille du temple. Si je devais un jour choisir une Ă©pouse ce serait plutĂŽt toi, mon enfant trouvĂ©e qui ne dis rien, mais dont les yeux parlent. Et il baisait ses lĂšvres rouges, jouait avec ses longs cheveux et posait sa tĂȘte sur son cĆur qui se mettait Ă rĂȘver de bonheur humain et d'une Ăąme immortelle. - Toi, tu n'as sĂ»rement pas peur de la mer, ma petite muette chĂ©rie ! lui dit-il lorsqu'ils montĂšrent Ă bord du vaisseau qui devait les conduire dans le pays du roi voisin. Il lui parlait de la mer tempĂ©tueuse et de la mer calme, des Ă©tranges poissons des grandes profondeurs et de ce que les plongeurs y avaient vu. Elle souriait de ce qu'il racontait, ne connaissait-elle pas mieux que quiconque le fond de l'ocĂ©an? Dans la nuit, au clair de lune, alors que tous dormaient Ă bord, sauf le marin au gouvernail, debout prĂšs du bastingage elle scrutait l'eau limpide, il lui semblait voir le chĂąteau de son pĂšre et, dans les combles, sa vieille grand- mĂšre, couronne d'argent sur la tĂȘte, cherchant des yeux Ă travers les courants la quille du bateau. Puis ses sĆurs arrivĂšrent Ă la surface, la regardant tristement et tordant leurs mains blanches. Elle leur fit signe, leur sourit, voulut leur dire que tout allait bien, qu'elle Ă©tait heureuse, mais un mousse s'approchant, les sĆurs replongĂšrent et le garçon demeura persuadĂ© que cette blancheur aperçue n'Ă©tait qu'Ă©cume sur l'eau. Le lendemain matin le vaisseau fit son entrĂ©e dans le port splendide de la capitale du roi voisin. Les cloches des Ă©glises sonnaient, du haut des tours on soufflait dans les trompettes tandis que les soldats sous les drapeaux flottants prĂ©sentaient les armes. Chaque jour il y eut fĂȘte; bals et rĂ©ceptions se succĂ©daient mais la princesse ne paraissait pas encore. On disait qu'elle Ă©tait Ă©levĂ©e au loin, dans un couvent oĂč lui Ă©taient enseignĂ©es toutes les vertus royales. Elle vint, enfin !La petite sirĂšne Ă©tait fort impatiente de juger de sa beautĂ©. Il lui fallut reconnaĂźtre qu'elle n'avait jamais vu fille plus gracieuse. Sa peau Ă©tait douce et pĂąle et derriĂšre les longs cils deux yeux fidĂšles, d'un bleu sombre, souriaient. C'Ă©tait la jeune fille du temple ... - C'est toi ! dit le prince, je te retrouve - toi qui m'as sauvĂ© lorsque je gisais comme mort sur la grĂšve ! Et il serra dans ses bras sa fiancĂ©e rougissante. Oh ! je suis trop heureux, dit-il Ă la petite sirĂšne. VoilĂ que se rĂ©alise ce que je n'eusse jamais osĂ© espĂ©rer. Toi qui m'aimes mieux que tous les autres, tu te rĂ©jouiras de mon bonheur. La petite sirĂšne lui baisait les mains, mais elle sentait son cĆur se briser. Ne devait-elle pas mourir au matin qui suivrait les noces ? Mourir et n'ĂȘtre plus qu'Ă©cume sur la mer ! Des hĂ©rauts parcouraient les rues Ă cheval proclamant les fiançailles. BientĂŽt toutes les cloches des Ă©glises sonnĂšrent, sur tous les autels des huiles parfumĂ©es brĂ»laient dans de prĂ©cieux vases d'argent, les prĂȘtres balancĂšrent les encensoirs et les Ă©poux se tendirent la main et reçurent la bĂ©nĂ©diction de l'Ă©vĂȘque. La petite sirĂšne, vĂȘtue de soie et d'or, tenait la traĂźne de la mariĂ©e mais elle n'entendait pas la musique sacrĂ©e, ses yeux ne voyaient pas la cĂ©rĂ©monie sainte, elle pensait Ă la nuit de sa mort, Ă tout ce qu'elle avait perdu en ce monde. Le soir mĂȘme les Ă©poux s'embarquĂšrent aux salves des canons, sous les drapeaux flottants. Au milieu du pont, une tente d'or et de pourpre avait Ă©tĂ© dressĂ©e, garnie de coussins moelleux oĂč les Ă©poux reposeraient dans le calme et la fraĂźcheur de la nuit. Les voiles se gonflĂšrent au vent et le bateau glissa sans effort et sans presque se balancer sur la mer limpide. La nuit venue on alluma des lumiĂšres de toutes les couleurs et les marins se mirent Ă petite sirĂšne pensait au soir oĂč, pour la premiĂšre fois, elle avait Ă©mergĂ© de la mer et avait aperçu le mĂȘme faste et la mĂȘme joie. Elle se jeta dans le tourbillon de la danse, ondulant comme ondule un cygne pourchassĂ© et tout le monde l'acclamait et l'admirait elle n'avait jamais dansĂ© si divinement. Si des lames aiguĂ«s transperçaient ses pieds dĂ©licats, elle ne les sentait mĂȘme pas, son cĆur Ă©tait meurtri d'une bien plus grande douleur. Elle savait qu'elle le voyait pour la derniĂšre fois, lui, pour lequel elle avait abandonnĂ© les siens et son foyer, perdu sa voix exquise et souffert chaque jour d'indicibles tourments, sans qu'il en eĂ»t connaissance. C'Ă©tait la derniĂšre nuit oĂč elle respirait le mĂȘme air que lui, la derniĂšre fois qu'elle pouvait admirer cette mer profonde, ce ciel plein d'Ă©toiles. La nuit Ă©ternelle, sans pensĂ©e et sans rĂȘve, l'attendait, elle qui n'avait pas d'Ăąme et n'en pouvait espĂ©rer. Sur le navire tout fut plaisir et rĂ©jouissance jusque bien avant dans la nuit. Elle dansait et riait mais la pensĂ©e de la mort Ă©tait dans son cĆur. Le prince embrassait son exquise Ă©pouse qui caressait les cheveux noirs de son Ă©poux, puis la tenant Ă son bras il l'amena se reposer sous la tente splendide. Alors, tout fut silence et calme sur le navire. Seul veillait l'homme Ă la barre. La petite sirĂšne appuya ses bras sur le bastingage et chercha Ă l'orient la premiĂšre lueur rose de l'aurore, le premier rayon du soleil qui allait la elle vit ses sĆurs apparaĂźtre au-dessus de la mer. Elles Ă©taient pĂąles comme elle-mĂȘme, leurs longs cheveux ne flottaient plus au vent, on les avait coupĂ©s. - Nous les avons sacrifiĂ©s chez la sorciĂšre pour qu'elle nous aide, pour que tu ne meures pas cette nuit. Elle nous a donnĂ© un couteau. Le voici. Regarde comme il est aiguisĂ© ... Avant que le jour ne se lĂšve, il faut que tu le plonges dans le cĆur du prince et lorsque son sang tout chaud tombera sur tes pieds, ils se rĂ©uniront en une queue de poisson et tu redeviendras sirĂšne. Tu pourras descendre sous l'eau jusque chez nous et vivre trois cents ans avant de devenir un peu d'Ă©cume salĂ©e. HĂąte-toi ! L'un de vous deux doit mourir avant l'aurore. Notre vieille grand-mĂšre a tant de chagrin qu'elle a, comme nous, laissĂ© couper ses cheveux blancs par les ciseaux de la sorciĂšre. Tue le prince, et reviens-nous. HĂąte-toi ! Ne vois-tu pas dĂ©jĂ cette traĂźnĂ©e rose Ă l'horizon ? Dans quelques minutes le soleil se lĂšvera et il te faudra mourir. Un soupir Ă©trange monta Ă leurs lĂšvres et elles s'enfoncĂšrent dans les vagues. La petite sirĂšne Ă©carta le rideau de pourpre de la tente, elle vit la douce Ă©pousĂ©e dormant la tĂȘte appuyĂ©e sur l'Ă©paule du prince. Alors elle se pencha et posa un baiser sur le beau front du jeune homme. Son regard chercha le ciel de plus en plus envahi par l'aurore, puis le poignard pointu, puis Ă nouveau le prince, lequel, dans son sommeil, murmurait le nom de son Ă©pouse qui occupait seule ses pensĂ©es, et le couteau trembla dans sa main. Alors, tout Ă coup, elle le lança au loin dans les vagues qui rougirent Ă l'endroit oĂč il toucha les flots comme si des gouttes de sang jaillissaient Ă la surface. Une derniĂšre fois, les yeux voilĂ©s, elle contempla le prince et se jeta dans la mer oĂč elle sentit son corps se dissoudre en le soleil surgissait majestueusement de la mer. Ses rayons tombaient doux et chauds sur l'Ă©cume glacĂ©e et la petite sirĂšne ne sentait pas la mort. Elle voyait le clair soleil et, au-dessus d'elle, planaient des centaines de charmants ĂȘtres transparents. A travers eux, elle apercevait les voiles blanches du navire, les nuages roses du ciel, leurs voix Ă©taient mĂ©lodieuses, mais si immatĂ©rielles qu'aucune oreille terrestre ne pouvait les capter, pas plus qu'aucun regard humain ne pouvait les voir. Sans ailes, elles flottaient par leur seule lĂ©gĂšretĂ© Ă travers l'espace. La petite sirĂšne sentit qu'elle avait un corps comme le leur, qui s'Ă©levait de plus en plus haut au-dessus de l'Ă©cume. - OĂč vais-je ? demanda-t-elle. Et sa voix, comme celle des autres ĂȘtres, Ă©tait si immatĂ©rielle qu'aucune musique humaine ne peut l'exprimer. - Chez les filles de l'air, rĂ©pondirent-elles. Une sirĂšne n'a pas d'Ăąme immortelle, ne peut jamais en avoir, Ă moins de gagner l'amour d'un homme. C'est d'une volontĂ© Ă©trangĂšre que dĂ©pend son existence Ă©ternelle. Les filles de l'air n'ont pas non plus d'Ăąme immortelle, mais elles peuvent, par leurs bonnes actions, s'en crĂ©er une. Nous nous envolons vers les pays chauds oĂč les effluves de la peste tuent les hommes, nous y soufflons la fraĂźcheur. Nous rĂ©pandons le parfum des fleurs dans l'atmosphĂšre et leur arĂŽme porte le rĂ©confort et la guĂ©rison. Lorsque durant trois cents ans nous nous sommes efforcĂ©es de faire le bien, tout le bien que nous pouvons, nous obtenons une Ăąme immortelle et prenons part Ă l'Ă©ternelle fĂ©licitĂ© des hommes. Toi, pauvre petite sirĂšne, tu as de tout cĆur cherchĂ© le bien comme nous, tu as souffert et supportĂ© de souffrir, tu t'es haussĂ©e jusqu'au monde des esprits de l'air, maintenant tu peux toi-mĂȘme, par tes bonnes actions, te crĂ©er une Ăąme immortelle dans trois cents la petite sirĂšne leva ses bras transparents vers le soleil de Dieu et, pour la premiĂšre fois, des larmes montĂšrent Ă ses yeux. Sur le bateau, la vie et le bruit avaient repris, elle vit le prince et sa belle Ă©pouse la chercher de tous cĂŽtĂ©s, elle les vit fixer tristement leurs regards sur l'Ă©cume dansante , comme s'ils avaient devinĂ© qu'elle s'Ă©tait prĂ©cipitĂ©e dans les vagues. Invisible elle baisa le front de l'Ă©poux, lui sourit et avec les autres filles de l'air elle monta vers les nuages roses qui voguaient dans l'air. - Dans trois cents ans, nous entrerons ainsi au royaume de Dieu. - Nous pouvons mĂȘme y entrer avant, murmura l'une d'elles. Invisibles nous pĂ©nĂ©trons dans les maisons des hommes oĂč il y a des enfants et, chaque fois que nous trouvons un enfant sage, qui donne de la joie Ă ses parents et mĂ©rite leur amour, Dieu raccourcit notre temps d'Ă©preuve. Lorsque nous voltigeons Ă travers la chambre et que de bonheur nous sourions, l'enfant ne sait pas qu'un an nous est soustrait sur les trois cents, mais si nous trouvons un enfant cruel et mĂ©chant, il nous faut pleurer de chagrin et chaque larme ajoute une journĂ©e Ă notre temps d' Orelsan Bien sĂ»r, et je pense mĂȘme que je rapperais ça, les gens seront contents et crieront. Ils ont du recul, ils savent que c'est de la fiction, c'est le morceau d'un mec qui se suicide et